Ceci est une synthèse de plusieurs travaux de recherche sur le fonctionnement de notre intestin et l’effet du gluten, pour mieux comprendre la réaction immunitaire.
Intestin grêle
L’intestin grêle est composé par une lignée de cellules épithéliales qui forment la principale surface d’absorption de l’organisme au travers de la muqueuse intestinale (400 m2) (Fig.1).
Fig. 1. Intestin grêle
L’intestin grêle est une structure dynamique qui se renouvelle tous les 2 à 6 jours. Cela s’explique par l’infection intestinale qui, le plus souvent, ne dure que quelques heures à quelques jours. Il est important que l’intestin puisse récupérer son bon fonctionnement par la suite (16).
La barrière intestinale : un filtre nutritionnel défensif !
La muqueuse intestinale est un filtre essentiel à l’absorption des nutriments ingérés mais également à la détection d’éléments étrangers (bactéries, antigènes, toxines, virus…) qui induit la réponse immunitaire innée et/ou adaptative (5,15) (Fig.2).
Fig. 2. Barrière intestinale
La structure de la muqueuse intestinale est formée par les circonvolutions d’une couche de cellules épithéliales (entérocytes)qui se distribuent suivant un axe composé d’une villosité encerclée par 8 à 10 cryptes.
Rôle des villosités-cryptes
L’épithélium intestinal est caractérisé par un constant renouvellement et une différenciation des entérocytes (Fig.3).
Fig. 3. Épithélium intestinal
La prolifération (mitogénèse) des cellules épithéliales débute au niveau des cryptes où elles sont indifférenciées, puis elles migrent vers la base des villosités où elles se différencient en entérocytes d’absorption et en cellules à mucus qui vont subir la desquamation cellulaire (apoptose) (3).
Fig. 4. Entérocyte
Cette différenciation cellulaire ne peut s’effectuer qu’en présence de médiateurs solubles sécrétés par les bactéries symbiotiques adhérentes aux entérocytes (10) (Fig.4).
Absorption des éléments nutritifs et fixation des bactéries de barrière
La surface efficace de l’absorption des nutriments par la muqueuse intestinale est incrémentée par la présence d’un nombre important de villosités intestinales (Fig.5).
Fig. 5. Villosité intestinale
Plus les villosités sont en forme de doigt, plus les performances des fonctions d’absorption sont efficaces (9) (Fig.6).
Fig. 6. Absorption des nutriments
Cette absorption se déroule au niveau de la bordure en brosse des entérocytes qui sécrètent des enzymes hydrolysant les sucres (saccharidases, lactase…) (6). Ces hydrolases induites par des médiateurs solubles modifient la glycosylation qui contribue à l’attachement bactérien (1). Enfin, les entérocytes des villosités sont connectés par des jonctions étroites qui forment une barrière sélective entre la lumière intestinale et le milieu intérieur (15)
Qu’est ce que la perméabilité intestinale ?
La perméabilité intestinale a surtout lieu au niveau de la muqueuse de l’intestin grêle qui est plus ou moins poreuse car, c’est le lieu de la digestion et de l’absorption des nutriments. Au niveau du gros intestin la muqueuse est pratiquement imperméable car, c’est le lieu de l’épuration des résidus alimentaires mais elle est plus sujette aux agressions inflammatoires et tumorales (Fig.7).
Fig. 7. Agressions inflammatoires
Les pathogénies augmentent la perméabilité intestinale qui prédispose les individus à la diffusion de molécules alimentaires antigéniques et à la translocation bactérienne ou fongique (Fig.8).
Fig. 8. Hyper-perméabilité intestinale
Cette hyper-perméabilité intestinale modifie la morphologie de la muqueuse intestinale et entraîne des phénomènes physiologiques souvent incompris (fatigue chronique, mauvaise humeur, maux de tête…).
Ainsi, l’intégrité de la muqueuse intestinale peut-être altérée dans certaines situations pathologiques non digestives (rhumatismes, cancer, SIDA….) comme digestives (maladie cœliaque, de Crohn, cirrhose, pancréatite…) ou générées par des facteurs pharmaceutiques (antibiotiques, anti inflammatoires…), nutritionnels (allergies, intolérances…) ou infectieux (Salmonella, Listeria…) mais aussi dans les cas d’alcoolisme, de tabagisme ainsi que chez les personnes du 3ème âge et même chez les sportifs (coureurs de fond…) (15, 18).
Au cours de ces altérations, les fonctions de la muqueuse intestinale sont modifiées et les désordres rendent comptent de symptômes locaux (diarrhées…) et généraux (fatigue, fièvre, déshydratation…) (12,14).
Gluten et augmentation de la perméabilité intestinale
Fig. 9. Gluten et perméabilité intestinale
En dehors de la maladie cœliaque, le gluten peut entraîner le système immunitaire, même en dehors du tractus gastro-intestinal (extra-intestinal), pour provoquer d’autres maladies (11) (Fig.9). Des études révèlent des manifestations extra-intestinales avec des tests sanguins positifs pour les anticorps anti-gliadine sans preuve de maladie cœliaque. Cette constatation indique que le gluten pénètre dans la circulation sanguine via une perméabilité accrue de la membrane de l’intestin grêle.
Augmentation de la perméabilité intestinale (fuites)
L’augmentation de la perméabilité de la muqueuse de l’intestin grêle, également appelée hyper-perméabilité, correspond à une altération du système complexe de barrières qui sépare ce qui se trouve dans notre intestin du reste de notre corps. Ce système de protection détermine quelles substances peuvent être autorisées à passer de l’intérieur de l’intestin grêle à notre circulation sanguine. Une barrière anormale permet aux substances nocives de « pénétrer » dans les couches plus profondes de la paroi intestinale et dans la circulation sanguine.
Fig. 10. Altération des Jonctions Serrés (JS)
La principale défense du système de barrière contre la perméation par des substances nocives est constituée par les jonctions intercellulaires serrées. Les jonctions serrées (JS) désignent les espaces régulés entre les entérocytes (cellules formant la paroi superficielle de notre intestin grêle), ce qui fait que ces cellules adhèrent étroitement les unes aux autres, côte à côte. La perturbation des JS permet aux substances nocives telles que les fragments de gluten de s’y glisser (Fig.10).
Une seule couche de cellules épithéliales sépare le contenu de notre intestin grêle de la lamina propria (tissus sous-jacents de l’intestin grêle) et du reste de notre corps. La rupture de cette unique couche de cellules peut exposer les cellules immunitaires effectrices situées dans la lamina propria à une myriade de micro-organismes et d’antigènes alimentaires, entraînant des réactions immunitaires (7).
La rupture de la barrière est impliquée dans la pathogenèse (développement) de maladies aiguës telles que la translocation bactérienne qui conduit à la septicémie et à la défaillance de plusieurs organes. Elle a également été impliquée dans plusieurs maladies auto-immunes, notamment la maladie cœliaque, le diabète sucré de type I, l’autisme, les maladies inflammatoires de l’intestin et les troubles atopiques tels que l’asthme, la rhinite, l’eczéma et les allergies (13).
Facteurs autres que le gluten qui perturbent les jonctions intercellulaires serrées ?
- Les infections gastro-intestinales dues à des microbes tels que les rotavirus, les parasites, les bactéries pathogènes (Escherichia coli, toxines de Clostridium difficile) et les mycotoxines (toxines produites par des champignons présents dans les céréales stockées et les fruits secs).
- Les aliments tels que l’alcool, le lactose, la caféine, le paprika, le poivre de Cayenne, les glucides raffinés, certains conservateurs et additifs alimentaires.
- Les médicaments tels que les antibiotiques oraux, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (par exemple, Aspirine, Advil), les corticostéroïdes et les contraceptifs oraux.
- Stress psychologique, stress oxydatif
- Exercice intense
- Vieillissement
Modification de l’axe villosité-cryptes
L’inflammation est la première réaction qui perturbe les fonctions de l’axe villosité-cryptes, elle restreint la réponse immunitaire, entraîne une augmentation du passage trans-cellulaire du contenu intestinal et provoque une migration des microorganismes intestinaux (translocation bactérienne). Ces translocations apparaissent suite à des pathologies graves (choc, traumatisme, brûlure, chirurgie, cancer, ictères…).
Exemple : la maladie cœliaque induite par le gluten est caractérisée morphologiquement par l’hyperplasie des cryptes et l’atrophie des villosités. Cette maladie affecte 1/300 et 1/100 personne de la population européenne qui conduit à des diarrhées et une malabsorption (14).
Villosités : atrophie, malabsorption et perte de l’effet barrière
La perméabilité intestinale est induite par l’atrophie des villosités ou l’augmentation de l’apoptose cellulaire qui diminue l’absorption des nutriments (Fig. 11). La réduction des villosités, réduit la surface de digestion et supprime temporairement l’activité des hydrolases d’où l’apparition d’intolérance à certains sucres.
Fig. 11. Atrophie des villosités et perméabilité intestinale
Exemple : le lactose mal digéré dans l’intestin grêle va être dégradé dans le gros intestin par les microorganismes coliques et donne lieu à des diarrhées de fermentation (intolérance au lactose…). Mais s’il n’est plus absorbé par l’intestin grêle, il provoque des diarrhées de malabsorption (allergie au lactose…) (6).
D’autre part, les bactéries symbiotiques attachées aux villosités sont moins présentes, la résistance à la colonisation par les bactéries exogènes ne s’exerce plus et « l’effet barrière » n’agit plus autorisant le passage de bactéries indésirables.
Cryptes : hyperplasie, perte des défenses immunitaires et intoxications
La perméabilité intestinale élargit le volume des cryptes (hyperplasie) et amplifie la réponse immune avec le risque de voir les défenses dépassée ou exacerbée (maladies auto- immunes). Les cellules de Paneth qui sont les sentinelles des cryptes déchargent des peptides microbicides dose-dépendant (2). Mais ces défenses sont dépassées et interviennent alors, les IgAs ( immunoglobulines A) qui jouent un rôle crucial dans la réponse immunitaire adaptative. Le rôle des IgAs sur les bactéries est d’éviter l’attachement et de neutraliser les virus, les toxines bactériennes (8). Les IgAs sont sécrétées le long des villosités lors de la migration des entérocytes.
Fig. 12. Maladie cœliaque et Atrophie villositaire
L’atrophie des villosités (Fig.12) empêche l’expression des IgAs et l’exclusion compétitive par activation du système immunitaire innée devient inactive (9). Dès lors toutes les substances étrangères peuvent passer les cryptes et se retrouver dans la circulation systémique entraînant des pathologies immunes et le phénomène de translocation bactérienne (4). Les sécrétions de liquide au niveau des cryptes sont importantes et augmentent les risques d’auto-intoxications.
Exemple : la maladie cœliaque produit des auto-anticorps IgA qui inhibent les facteurs de croissance médiateur de la différenciation cellulaire (atrophie villosités) et augmente la prolifération des cellules épithéliales (hyperplasie des cryptes) (14).
Effet néfaste du gluten sur l’esprit !
Dans les troubles auto-immuns, le développement d’anticorps anti-gliadine peut être attribué à la réponse aux protéines alimentaires (gluten) et n’est souvent pas étroitement lié à la maladie cœliaque (11).
Lorsque le gluten est décomposé dans les intestins pendant la digestion, des peptides sont formés. Certains peptides, appelés Exorphine du gluten et Gliadorphine, imitent les effets de la morphine sur le cerveau s’ils pénètrent anormalement dans la circulation sanguine. Les personnes qui sont incapables de décomposer ces peptides peuvent connaître des problèmes de santé mentale.
Le même mécanisme intestin-cerveau qui permet aux médicaments oraux utilisés pour traiter les problèmes mentaux, comme la dépression, de pénétrer dans le cerveau, permet également au gluten d’y pénétrer. Les composés neuroactifs (substances qui affectent le cerveau) provenant de l’intestin peuvent pénétrer dans les muqueuses saines ou malades, traverser la barrière hémato-encéphalique et provoquer des troubles psychiatriques, cognitifs et comportementaux (17). Le gluten et la bêta-caséine du lait sont tous deux des composés neuroactifs qui traversent la muqueuse intestinale pour passer dans le sang et provoquer des symptômes mentaux chez les personnes sensibles, comme l’autisme et la schizophrénie. Lorsque le gluten est à l’origine de la schizophrénie, les études montrent que les symptômes disparaissent en deux semaines mais réapparaissent en trois jours si le gluten est à nouveau ingéré.
Rétablissement des jonctions serrées intercellulaires et réparation de la muqueuse Intestinale
Plusieurs études menées sur la perméabilité intestinale démontrent que plus la restauration de la muqueuse est rapide plus les désordres physiologiques sont améliorés. Cette régénération est le moyen le plus évident de réparation de la muqueuse intestinale. Une correction des facteurs à l’origine de la perturbation des jonctions serrées et alimentation sans gluten avec des aliments dont il a été démontré qu’ils restaurent la fonction des jonctions serrées après une blessure, tels que :
- L’acide Eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide gamma-linolénique (acides gras oméga-3).
- Le butyrate (un acide gras à chaîne courte).
- La glutamine (un acide aminé essentiel).
- Poivre noir et noix de muscade.
Références
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